Du Grand Ricci au dictionnaire Ricci du droit Chinois
Le dictionnaire Ricci du droit chinois contient près de 24.000 termes chinois utilisés par les juristes chinois et étrangers en Chine continentale, présentés en caractères simplifiés, transcrits en phonétique pinyin et traduits en français et en anglais. Il a été préparé sous l’égide de l’Association Ricci du grand dictionnaire de la langue chinoise, créée en 1987 à Paris dans le but d’assurer la promotion et le développement du Grand dictionnaire Ricci de la langue chinoise (le Grand Ricci).1
Le Grand Ricci est, à ce jour, le plus important dictionnaire réalisé entre le chinois et une langue européenne et contient 13.500 caractères singuliers et plus de 300.000 termes et expressions chinois, traduits en français. Il tient son titre de Matteo Ricci (1552–1610), célèbre jésuite italien arrivé en Chine au XVIème siècle et auteur du premier dictionnaire chinois-portugais, et représente le fruit de plus de cinquante années de travail, engagé par une équipe de jésuites français à partir du début des années 1950 et poursuivi ensuite par plusieurs dizaines de sinologues, chercheurs et spécialistes des quelques 200 branches du savoir dans lesquelles sont classés les termes du Grand Ricci.
Le projet de dictionnaire Ricci du droit chinois fut lancé en 2005 par l’Association Ricci afin de compléter et d’enrichir la base de données du Grand Ricci, en intégrant notamment des termes juridiques récents employés en Chine continentale. La préparation du dictionnaire Ricci du droit chinois s’est étendue sur une période de dix ans (2006–2016), et a mobilisé une équipe d’avocats et de juristes français et chinois ainsi que des contributeurs et relecteurs américains, canadiens, anglais et australiens. Une quarantaine de juristes chinois et étrangers ont participé à ce travail, à des degrés divers selon leurs disponibilités et leurs champs de compétence.
Une palette de termes large
Le dictionnaire Ricci du droit chinois vise à fournir un instrument de travail aux traducteurs de documents juridiques chinois, ainsi qu’aux chercheurs, universitaires, étudiants, avocats et juristes qui s’intéressent au droit chinois. A travers la traduction des termes chinois, il devrait constituer un instrument de travail utile pour les projets de coopération juridique entre la Chine et les pays étrangers, et permettre une meilleure compréhension du cadre culturel dans lequel se développe le droit chinois.
On doit souligner que les termes proposés dans cet ouvrage ne sont pas exclusivement juridiques, puisque le droit chinois contemporain est inséparable de l’organisation administrative et politique de la République populaire de Chine. Ils débordent même parfois le strict cadre du droit chinois, puisqu’existent des concepts ou des termes qui, sans faire partie du droit positif chinois, se retrouvent dans des documents de nature juridique écrits en langue chinoise, par exemple pour désigner des notions ou institutions étrangères. Nous avons également fait le choix d’intégrer des mots « pivots », qui peuvent se retrouver dans des termes juridiques sans avoir en eux-mêmes un sens purement juridique.
Méthode et indexation
Le travail de préparation du dictionnaire a commencé avec l’extraction des termes de nature juridique, commerciale et financière de la base de données du Grand Ricci, auxquels ont été ajoutés, au fil des années, des termes plus contemporains principalement tirés des lois et règlements publiés en Chine continentale depuis le début des années 1980 ainsi que d’ouvrages juridiques chinois et de dictionnaires ou lexiques juridiques chinois-chinois ou chinois-anglais. Une liste des principaux ouvrages et sites internet consultés dans le cadre de la préparation de cet ouvrage figure à la suite de cet avant-propos.
L’utilisation systématique de moteurs de recherche internet a permis de garantir la pertinence des termes proposés2 et d’enrichir considérablement le travail lexicographique, en permettant notamment la vérification du contexte d’utilisation de certains termes, et parfois de découvrir de nouvelles utilisations.
Chacun des termes de cet ouvrage a fait l’objet d’une révision successive par des juristes de langue maternelle française, chinoise et anglaise, afin de valider sa pertinence et sa traduction.
L’indexation des termes a été réalisée selon une classification fondée sur vingt branches du droit chinois : droit administratif, droit civil, droit commercial, droit du commerce international, droit des assurances, droit constitutionnel, droit des sociétés, droit de la propriété intellectuelle, droit bancaire et financier, droit fiscal, droit international privé, droit international public, droit de l’environnement, droit maritime, droit social, droit pénal, procédure, institutions chinoises ou étrangères, théorie du droit et droit chinois ancien. Cette méthode s’inspire des classifications traditionnelles des pays de droit civil continental tout en visant à refléter les spécificités du droit chinois.
Lorsqu’un même terme peut être classé indifféremment dans de nombreuses branches du droit, il apparaît généralement sans indexation particulière. Lorsqu’un terme a plusieurs traductions possibles, celles-ci apparaissent distinctement, le cas échéant avec mention de la branche du droit correspondant à chacune des traductions, reprenant ainsi les règles utilisées pour la publication du Grand Ricci.
Le cas échéant, mention est faite d’une utilisation spécifique à Taiwan ou Hong Kong, dont le vocabulaire juridique est parfois différent de celui de la Chine continentale.
Particularités de la terminologie et du système juridique chinois
Les termes juridiques chinois sont inséparables de la culture juridique, politique et sociale qui les a faits naître et doivent donc être lus et interprétés dans leur contexte.
A cet égard, on doit noter la relative rareté des termes juridiques contemporains construits à partir de concepts purement chinois. La grande majorité du vocabulaire juridique chinois a en effet été constitué à partir de concepts ou de termes étrangers à la Chine, transcrits en caractères chinois à partir du XIXème siècle. Comme dans les autres disciplines scientifiques, cette traduction s’est notamment faite à travers un détour par le Japon, les premiers étudiants ou universitaires chinois retranscrivant en caractères chinois des mots allemands, français ou anglais déjà traduits en japonais. Des concepts importants du droit européen ont ainsi fait l’objet d’une création de termes spécifiques en caractères chinois, ou de traductions littérales, dont le sens propre ou la combinaison ne peuvent souvent mettre en lumière l’arrière fond de culture juridique qu’ils sous-tendent. Parallèlement, les efforts de modernisation de la Chine ont entraîné la participation de juristes européens, notamment allemands et français, aux projets de rédaction de divers codes du droit chinois moderne dans la première moitié du XXème siècle. Enfin, depuis le début des années 1980, de multiples influences s’exercent sur le droit chinois, sans qu’aucune d’elles ne soit prépondérante : conventions internationales, droit américain à travers les nombreux juristes chinois formés aux Etats Unis, droit anglais à travers le système juridique de Hong Kong. Cette diversité d’influences, et la volonté des autorités chinoises de rechercher dans les divers systèmes juridiques le cadre normatif le plus adapté à leur situation, peuvent parfois être source d’ambiguïtés.
Le choix a été fait ici d’éviter d’utiliser abusivement des termes français ou anglais qui « transporteraient » dans un système juridique occidental des termes juridiques chinois dont le sens est un peu différent, quitte à recourir à des traductions littérales et à ajouter des explications. Le cas échéant, l’indication de plusieurs termes français ou anglais permet de préciser le contexte d’utilisation du terme chinois traduit.
A l’heure où la Chine étend son influence sur d’autres continents, on espère que des juristes chinois et étrangers pourront reprendre ce travail pour y ajouter de nouveaux termes, préciser certaines utilisations dans un contexte où le vocabulaire juridique chinois n’est pas entièrement stabilisé, ou même ajuster des traductions pas assez précises que les nombreuses relectures auraient néanmoins laissé subsister.
1 Le Grand dictionnaire Ricci de la langue chinoise, publié en 2001 dans une première édition en six volumes ainsi qu’un volume d’annexes en co-édition entre les Instituts Ricci de Paris et Taipei et Desclée de Brouwer (ISBN 2-220-04667-2), également disponible en version numérique par internet sur le site des éditions Brill « China Reference Shelf » ainsi que comme contenu complémentaire l’application Pleco pour appareils portables.
2 Il est notamment apparu que certains termes proposés dans des ouvrages lexicographiques existants ne semblent pas utilisés dans le corpus des documents accessibles par ces moteurs de recherches (autres que des documents lexicographiques).